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Les points de friction et de discorde.

Dans cette partie, nous allons aborder les points de friction. Nous avons déjà commencé dans la partie précédente intitulée « arguments et preuve que les acteurs utilisent » à définir ses points de friction.

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Les points de friction constituent le cœur de la controverse. La friction porte principalement sur l’origine de l’hydrogène nécessaire à l’alimentation des piles à combustible. Comme nous l’avons détaillé précédemment, l’hydrogène peut être produit de deux façons différentes. Ici nous parlerons surtout de la méthode de production par électrolyse de l’eau. Nous avons abordé les désaccords entre les différents acteurs mentionnés précédemment concernant l’origine de l’électricité nécessaires à l’électrolyse de l’eau pour produire l’hydrogène. Ici le point de friction se situe sur le fait que l’hydrogène produit ne soit pas autant vert que certains acteurs ne le disent. Ceci constitue donc le point de friction majeur de la controverse.

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La difficulté est d’arriver à juger le plus justement possible où est la réalité parmi une flotte immense d’arguments. Comme nous l’avons dit dans la partie précédente, il faut arriver à mesurer le plus justement possible ces éléments. Pour cela, nous avons dit qu’il existe différents types d’arguments : les arguments factuels, scientifiques et les éléments moraux. Les arguments qui sont donc censés être les plus objectifs est réalistes sont donc des arguments factuels et scientifiques.

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Néanmoins, bien que le point de friction le plus évident soit celui de l’origine de l’hydrogène, un autre point de friction est bien présent : c’est celui de la rentabilité et de l’argent. En effet, face à la crise écologique que nous traversons, de nombreuses sociétés sont contraintes de s’adapter et de se réinventer. On peut par exemple parler de Total, qui est l’un des leaders mondiaux des carburants fossiles. En effet, lorsque l’on a commencé à parler de l’hydrogène, dans les années 2000, la société Total s’est sentie menacée. Mais plutôt que d’utiliser l’hydrogène comme une menace, la société Total a préféré l’utiliser comme une source de rentabilité et de renouveau. En effet, Total a prévu d’investir massivement dans la production d’hydrogène dans les années à venir. Le point de friction des années 2000, avec pour Total une peur de décroissance massive, s’est progressivement transformée en point de friction entre les leaders de production d’hydrogène. En effet, dans ce nouveau secteur, de nombreux acteurs sont prêts à investir pour produire de l’hydrogène. Cela crée ainsi de la concurrence et donc des points de friction entre des acteurs d’une même catégorie.

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Aussi, on peut affirmer que plus une technologie émerge, plus les points de réticences et de friction augmentent. C’est exactement ce que nous avons essayé de mettre en exergue dans la 31 chronologie de la controverse présentée dans une partie précédente. En effet, l’arrivée des points de friction n’est pas apparue dans la phase de découverte de l’hydrogène. Les points de friction sont survenus dès les années 1900 avec l’utilisation majeure du dihydrogène pour la pétrochimie et les engrais. Ces points derniers sont apparus avant tout pour des raisons économiques, comme nous l’avons détaillé avec l’institut Français du pétrole qui qualifiait de gâchis le fait de brûler du di-hydrogène car cela engendrerait une demande supplémentaire donc une hausse des coûts pour eux. Ce désaccord se manifestait jusqu’alors par des articles dans les journaux principalement, car les nouveaux modes de communication et de protestation, notamment via les médias et les réseaux sociaux n’existaient pas encore.

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Les autres points de friction entre différents acteurs sont arrivés entre les années 2000 et 2007, avec une vague massive de recherche et développement pour cette technologie. Durant cette période, certains industriels se sont sentis menacés d’un point de vue économique, car, jusqu’alors, nous ne prenions que très peu en compte notre impact écologique sur la planète. Mais les points de friction ont été encore plus marqués en 2007 avec l’arrêt du développement de l’hydrogène par le nouveau Président de la République, Nicolas Sarkozy. À cette période, le nouveau gouvernement investit massivement dans le développement de véhicules électriques, car il les trouve plus prometteurs que ceux fonctionnant à l’hydrogène, tant du point de vue économique qu’écologique. Cela donne donc un coup d’arrêt à l’hydrogène et provoque des points de friction entre trois acteurs principaux : les acteurs du thermique, les acteurs de l’hydrogène et les acteurs de l’électrique. Ces points de friction sont marqués par un enchaînement de communiqués, publicités et même données scientifiques arrangées, visant à défendre les points de vue de chacun de ces différents acteurs. Cette controverse, entre ces trois acteurs est principalement liée d’un point de vue économique car cela bouleverserait l’équilibre monétaire de ces filières. Mais la discorde ne s’arrête pas là. En effet, les associations écologiques et certains citoyens dénoncent l’impact écologique désastreux des batteries nécessaires au développement des véhicules électriques. Citons par exemple Greenpeace qui a organisé des actions dans cette direction : marches, manifestations, articles et conférences pour dénoncer la pollution indirecte générée par les véhicules électriques et polémique sur l’origine de l’électricité alimentant ces véhicules. On a donc assisté à une dérive de la controverse de l’hydrogène vers la controverse de l’électrique. Entre 2007 et 2014, des données factuelles et scientifiques ont montré les limites de la technologie des batteries électriques et soulevé une recrue d’essence pour l’utilisation de l’hydrogène.

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En 2014, sort la première voiture fonctionnant à l’hydrogène : la Toyota Mirai. Cette première version de la voiture n’a pas été commercialisée en France (Nicolas Sarkozy étant très défavorable à l’hydrogène comme nous l’avons évoqué précédemment). Cependant, des études sur les clients ayant acheté cette voiture ont révélé qu’elle n’a pas été très appréciée. En premier lieu, l’hydrogène étant encore très peu développé, il est difficile de trouver des points d’approvisionnement de carburant (stations-services). De plus, le look de la voiture a été un échec de la part de la marque japonaise. Enfin, le prix de la voiture est relativement élevé, en comparaison avec les autres berlines. Tout cela a fait que cette première voiture à l’hydrogène proposée aux particuliers ne fut pas une réussite. La concurrence n’est pas très rude, avec un seul modèle à hydrogène de la marque Hyundai commercialisé en France, qui est lui aussi un échec. L’hydrogène ne semblait jusqu’alors ne pas être une réussite auprès des particuliers. Cela est aussi dû à la « guerre des constructeurs automobiles » (du thermique et de l’électrique) qui comme on l’a développé au par avant, on tout fait pour freiner l’arrivée de l’hydrogène.

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Puis, en 2016, un plan européen pour la mobilité à l’hydrogène est mis en place. De grosses sommes d’argent sont donc investies dans cette technologie. En effet, pour les jeux olympiques de 2024 qui se dérouleront à Paris, un accord entre la France et Toyota a été conclu, menant à la livraison de 3000 voitures et 1200 bus à pile à combustible, donc à hydrogène. Cela pourrait donner un élan à cette énergie, considérée comme une énergie qui pourrait potentiellement remplacer les autres carburants. La controverse commence alors à se rouvrir et des points de frictions en résultent. Ces points de friction sont comme nous l’avions évoqué économiques mais un nouveau type de point de désaccord apparaît : celui écologique. Ce profond désaccord est notamment relayé dans beaucoup d’articles, médias, et a d’ailleurs suscité des mobilisations citoyennes et d’associations. On peut par exemple citer Greenpeace qui, le 5 mars 2021 a organisé une manifestation, repeint un avion en vert et manifesté sur les pistes de l’aéroport Roissy Charles de Gaulle pour alerter sur l’impact environnemental de la production de l’hydrogène à l’ordre du jour et notamment dans la filière aérienne, et sur la date d’arrivée fixée à 2035 qui paraît bien trop lointaine. La filière aérienne est vouée à se reconvertir dans ce domaine ; car comme nous l’avons vu, l’État a accordé une grosse aide économique à Airbus sous condition de développer puis convertir ses avions thermiques en avion à hydrogène. On assiste donc à une forte opposition entre ces deux acteurs (Greenpeace avec les associations et mobilisations citoyennes et Airbus) où d’un côté Greenpeace pointe l’urgence de produire un hydrogène vraiment vert et de le développer rapidement ; et de l’autre Airbus le développe pour toucher l’aide accordée par l’État mais à une cadence très très faible, et en misant sur un hydrogène issu pour partie d’énergies fossiles. Toutes ces actions des différents partis sont pour la plupart relayées par les médias qui forment un autre groupe d’acteurs qui alimentent cette controverse avec différentes données (scientifiques par exemple).

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Ainsi, dans cette partie, nous avons vu les nombreux points de friction entre les différents acteurs et qui surviennent autour du sujet que constitue l’hydrogène. Nous avons vu que ces points de friction sont principalement liés d’un point de vue économique, environnemental et que plus la technologie de l’hydrogène se développe et plus elle est présente, plus les acteurs en désaccord seront nombreux et donc la controverse sera riche.

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